Souvent, j’avais l’impression d’être observée. Et le plus étrange dans tout ça c’est que le moment où ce sentiment était le plus fort c’était quand j’étais chez moi. Pourtant, je vivais seule. Et je n’avais aucun animal de compagnie. Ça faisait une semaine environ que ça durait. Je finissais de travailler chaque soir passé minuit. Je rentrais chez moi, exténuée, me faisais un truc à manger et m’étendais sur le divan dans mon salon pour lire un peu avant d’aller me coucher. Et là, j’avais comme l’impression que quelqu’un m’observait. Comme je vivais au rez-de-chaussée c’était tout à fait probable qu’un adolescent pré-pubère vienne regarder par ma fenêtre pour voir si je me baladais nue dans mon appart. Mais chaque fois que je regardais la fenêtre, qui n’avait pas de rideaux, je ne voyais personne. Je n’avais pas peur de grand chose dans la vie, mais le sentiment d’être épiée dans mon intimité commençait à me déranger. Le lendemain, je fis la même routine que les soirs précédents. L’impression qu’on m’observait revint. J’allai à la salle de bain et sorti par la fenêtre, pour contourner l’appartement et observer depuis la ruelle, qui pouvait bien se mettre à la fenêtre de mon salon. Personne. J’attendis de longues minutes mais personne ne vint. Au bout d’un moment, je me dis que je devenais peut-être paranoïaque. Puis, je vis une silhouette se déplacer dans l’ombre. La lumière de mon salon éclaira son visage. Une fille. J’essayai de me rappeler où je pouvais l’avoir déjà vu mais rien. Je ne la connaissais pas. Je me rapprochai en faisant le moins de bruit possible. Puis, à quelques pas d’elle je bondis dans sa direction en criant. Elle poussa un hurlement strident et s’évanouit. Je la rattrapai avant qu’elle ne touche le sol. Je tapotai son visage doucement et elle revint à elle. Je lui demandai pourquoi elle m’observait par ma fenêtre. Elle dit qu’elle était vraiment désolée, qu’elle m’avait entendu parler de l’endroit où je vivais avec une collègue et que comme on était voisines et que j’étais vraiment très jolie, elle n’avait pu s’empêcher de me suivre et de m’observer jusqu’à ce qu’elle trouve le courage de m’aborder. J’avais déjà servie cette fille au restaurant. Son visage me revenait maintenant. Elle avait commandée un burger végétarien extra confiture de bleuet. Drôle de commande, pour une drôle de fille. Je lui dis que si elle arrêtait de se mettre à la fenêtre de mon salon comme un vieux pervers, j’acceptais de prendre un verre avec elle. Marché conclu qu’elle me dit avant de disparaître dans la nuit. Elle n’avait même pas pris mon numéro de téléphone. Mais elle savait où j’habitais.

27 mai
Publié par Pat de Velours
Pat de Velours est scénariste de formation. Elle écrit les aventures du pirate Barbe Or, une bande dessinée produite par le Studio Adviz, depuis bientôt deux ans. Elle est auteurE co-fondatrice du collectif de la MSSC, regroupant des étudiants de l'Université de Montréal, dont le recueil, «Le Treizième» a été publié en avril 2014 et, l'année précédente, elle offre ses poèmes à deux numéros du magazine artistique Le Sacre du Printemps. Pat a commencé l'écriture d'une série de livres pour enfants, regarde des vidéoclips chaque jour et voudrait que ses journées durent 32 heures. Voir tous les articles par Pat de Velours