Vers le milieu du printemps, quand la température commence à remonter, la première journée où il annonçe plus de 20 degré, c’est le Feu de Joie à Sherbrooke. On se rassemble tous en dessous du pont Terrill près de l’eau et on allume un gros feu de camp avec les branches sèches qu’on trouve dans la forêt. On boit des bières en restant dehors toute la nuit pour fêter l’arrivée des beaux jours. C’est une tradition qui a commencée l’année de ma majorité. Maintenant que j’habite à Montréal, c’est plus difficile d’être là chaque fois. Mais cette année, j’ai prévu le coup. L’hiver a été spécialement long et froid et j’ai vraiment besoin de fêter l’arrivée de la chaleur. J’avais guettée la température toute la semaine et avais réservée un lift pour arriver le vendredi soir, mes amis m’ayant confirmés que ce serait bien la soirée du Feu de Joie.
Il n’avait pas plu depuis des jours, ça avait donc été facile de trouver assez de branches sèches pour faire un énorme feu, le plus gros à ce jour. La nuit était chaude et donnait l’impression que la température allait continuer à augmenter. Ça me faisait plaisir de retrouver de vieilles connaissances et rencontrer leurs nouveaux amis. On était nombreux cette année-là et les gens étaient vraiment intéressants. Chacun avait ses propres projets et me donnait l’impression que tout était possible. Excitée par l’arrivée de l’été et les nouvelles rencontres, j’avais enchaînée les bières sans manger. Je ressentais un engourdissement agréable, un sourire permanent ornait mon visage et surtout, j’avais une furieuse envie de pisser. Je m’éloignai dans le bois et trouvai un endroit sombre pour me soulager. Les culottes baissées, je pensais au bien-être de la vie en plein air lorsqu’une lumière vive m’éclaira soudain. En voulant remontrer mon pantalon rapidement je glissai sur un tas de feuilles mortes et tombai sur le dos. La lumière s’éteignit et une main saisit la mienne pour me remettre sur pieds. Je rattachai mon pantalon en marmonnant des remerciements.
Un voix féminine me dit :
-Excuse moi, je voulais pas te faire peur. Ca l’air qu’on a le même spot de pisse et j’ai pas entendu qu’il y avait quelqu’un.
-Pas de trouble. Je te laisse la place, dis-je en sortant de l’ombre.
À la lueur de la lune, je vis le visage de la silhouette sombre qui m’avait surprise. Elle avait de long cheveux foncés qui sortait de la capuche de son hoodie, des yeux noirs et un piercing à la lèvre qui scintilla un instant.
Avant de revenir sous le pont, je regardai mon pantalon pour m’assurer que je n’étais pas tombée dans la pisse. Je m’assis sur un gros tronc d’arbre près du feu pour me réchauffer un peu. En retrait, je regardai le groupe pour guetter le retour de la fille en hoodie. Je la vis soudain de l’autre côté des flammes et nos regards se croisèrent. Elle pris une bière dans une glacière et contourna le feu pour venir s’asseoir à mes côtés. Elle décapsula la bière et me la tendi :
-Tiens. Pour m’excuser de t’avoir fait peur, dit-elle.
-J’ai pas eu peur. J’ai été surprise, dis-je pour cacher mon malaise.
-Excuse moi de t’avoir surprise… les culottes baissées, dit-elle, un sourire en coin.
Je me penchai et collai ma bouche contre la sienne. Son corps eu un petit soubresaut mais ses lèvres restèrent collées aux miennes. Je mis fin au baiser et dit :
-Tu m’as vu cul nu, je me suis dit qu’on avait sautée une étape importante, dis-je en la regardant droit dans les yeux.
Un sourire traversa son visage et elle m’embrassa à nouveau.