Lit/bi/dos

Etre assise sur le canapé-lit dans son salon. Enfin. Des mois à la voir, la croiser, l’observer. L’embrasser parfois aussi, au coin d’une rue, entre deux portes. Et ce soir-là, sans m’y attendre, sans avoir osé l’imaginer, être assise là, dans son salon. Raconter les mois, les chemins, les détours. Et l’embrasser aussi. Encore. Lentement d’abord, passer la main dans sa nuque pour l’attirer contre mon visage. La laisser faire. La laisser poser sa langue sur ma bouche et dessiner mes lèvres. Enrouler ses cheveux courts sous mes ongles. L’embrasser goulûment, en dévorant sa bouche. En profiter. Que jamais ne s’arrête ce moment. Je pourrais me contenter de ça, de l’embrasser des heures. Et c’est ce que nous faisons. La nuit s’écoule sans que nos bouches ne se décollent. Assises ensemble sur le canapé lit de son salon. Je pourrais l’embrasser jusqu’à ce que je m’effondre de fatigue, et que je m’endorme, en respirant son tee-shirt qui a l’odeur de sa peau et de sa transpiration. Nous nous endormirions, l’une contre l’autre, toutes habillées, sans même avoir déplié le canapé-lit. Nous prendrions un bain sans mousse, en s’embrassant sous l’eau. Et de nouveau, nous nous embrasserions des heures, comme pour rattraper tous ces mois l’une sans l’autre. Elle ne me croirait pas si je le lui disais, mais je pourrais être heureuse comme ça. Sans qu’elle ne se déshabille. Pas parce que je n’ai pas envie d’elle. Parce que je veux prendre le temps pour chaque partie de son corps. Avec sa bouche, elle peut m’occuper des semaines entières. Elle ne me croirait pas, elle dirait « Tu dis ça à toutes les filles ». Et elle aurait raison. A toutes les filles, oui, mais chacune son tour, chacune son moment. Elle dirait « Je ne suis rien d’autre qu’une lubie ». Alors moi, je ne dis rien. Je ne prends pas le risque d’entrer dans un débat superflu. Je continue de l’embrasser. Et je pourrais m’arrêter là.

Mais elle passe sa main sous ma chemise, elle griffe doucement mon ventre. De l’autre main, avec une assurance déconcertante, elle enlève son tee-shirt. Je la regarde. Pour la première fois, je vois ce qu’il y a dessous. Sa peau est plus foncée que je ne l’imaginais. Sa lingerie, en dentelles. J’aurais cru qu’elle portait des ensembles très sobres. Elle est là, face à moi, dans la lumière de l’aube à peine naissante, à demi nue. Je pose une main sur son sein gauche. Je ne sens pas son cœur battre. Des frissons envahissent son torse, ses épaules. J’imagine ses tétons pointer sous son soutien-gorge. Et je l’embrasse, à nouveau. Sa salive a un léger goût de vodka. Je ne suis pas sûre d’aimer ça, mais j’essaie de ne pas y penser. Je me concentre sur elle. C’est elle que j’embrasse, et cela suffit.

Elle détache ses lèvres des miennes, pour m’embrasser dans le cou. Me lécher derrière l’oreille. Je ris. Je ne trouve pas la sensation vraiment agréable. Je la repousse assez fort pour l’allonger sur le lit, et je m’allonge sur elle. Je dépose des baisers vaporeux dans son cou, puis descend doucement entre ses seins. J’enlève les bretelles de son soutien-gorge, et elle m’aide à le détacher. Nos yeux ne se croisent pas un seul instant. En mordillant son téton, j’essaie de me rappeler la couleur de ses iris. Mais je n’en ai plus la moindre idée. J’hésite entre le brun et le vert. Je vérifierai quand elle ouvrira ses yeux à nouveau.

La peau de son ventre est douce. Moins ferme que ce à quoi je m’attendais, mais douce. Son nombril est entouré d’un très léger duvet, qui ne manque pas de charme. Que je le caresse la met mal à l’aise. Elle se contorsionne un peu, pour me le rendre inaccessible, et je me retrouve allongée près d’elle. Serrées, à deux l’une contre l’autre, sur ce canapé même pas déplié. Je remonte mon visage près du sien. Je l’embrasse, encore, et oublie de regarder la couleur de ses yeux. Je laisse les miens dériver jusqu’à la fenêtre. Il ne fait pas tout à fait jour dehors. Les lampadaires de la ville sont encore allumés.

Je m’ennuie un peu. En quelques heures, nos baisers ont perdu de leur intensité. Tout compte fait, j’aimerais ne pas avoir à me contenter de ça. Mais elle ne bouge pas. Elle ne fait rien, si ce n’est m’embrasser, et coller son corps contre le mien. Peut-être qu’elle attend que cela vienne de moi. Sans doute, sinon, pourquoi resterait-elle là, à m’embrasser ?

Je caresse son ventre et, d’un doigt, écarte son jean de sa peau. Le bout de mon index effleure la couture de sa culotte. Son jean est trop près de son corps pour me permettre le moindre mouvement. A tâtons, je détache sa ceinture. C’est quand je m’apprête à déboutonner son pantalon que sa main prend la mienne. Il me faut une longue seconde pour comprendre qu’elle m’arrête. Elle se relève et s’appuie sur ses coudes, impassible « Non, je préfère pas ». Mes yeux doivent être pleins de stupeur, car elle se justifie, maladroite « Je l’ai pas quitté, tu sais ». Je me relève à mon tour et m’assois au bord du canapé. Elle se lève et se tient debout, face à moi. Je fixe le sol, sans bien savoir quoi répondre. Elle attend près de moi quelques secondes et part dans la salle de bains.

Je ne parviens pas à bouger. J’entends l’eau du lavabo couler. J’imagine qu’elle est en train de se brosser les dents. Se laver le visage peut-être. Je me lève finalement et enfile un short qui traine au sol. Je ne suis pas en état de conduire, et la route est longue pour me rendre jusqu’à chez moi. Quand elle revient au salon, en pyjama, je suis en train de déplier le canapé-lit.

« Tu fais quoi ? » J’ai envie de faire une blague, répondre que j’épluche des carottes. Comme si elle ne voyait pas que je préparais mon couchage. Mais je dis « Je peux quand même dormir ici ? Je suis épuisée, je partirais demain sans faire de bruit ». Elle s’approche. Au lieu de m’aider à déplier le canapé-lit, elle le range. Elle passe son bras autour de ses épaules « Tu peux dormir ici, mais tu dors avec moi, d’accord ? ». Je ne comprends pas. Elle essaie de m’attirer vers elle, mais je résiste. Cyniquement, je répète « Non, je préfère pas ».

Elle soulève mon visage de sa main, me force à la regarder en face. Bruns, ses yeux sont bruns.

« Bon. Tu fais la gueule maintenant. » Je nie d’un signe de tête. Elle prend ma main et m’entraîne jusqu’à sa chambre. Docilement, je la suis. Nous nous allongeons ensemble, côte à côte. Une dernière fois, elle essaie de m’embrasser. J’évite son baiser et me tourne dos à elle, au bord de son lit. Elle soupire, visiblement contrariée. Puis, sur un ton agacé, qui n’attend pas de réponse, comme pour clore cette brève aventure, elle lance « Si, tu fais la gueule. Mais quoi ? Ça va, t’es pas frustrée quand même ? T’es pas un mec ».

Non. Malheureusement pour nous ce soir, je ne suis pas un mec.

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