19 mai

Mon sac est prêt et m’attend dans le couloir. Je vais enfin partir pour trois mois découvrir l’Amérique latine, seule, avec mon sac à dos. Je mets de l’argent de côté depuis deux ans pour réaliser ce rêve sans me priver. Et voilà, aujourd’hui, 19 mai, je vais enfin m’envoler.

J’attends juste que la fille qui doit sous-louer mon appartement se pointe, et je pourrai monter dans un taxi direction l’aéroport. Elle est en retard. Ça ne me met pas en confiance du tout. C’est la fille d’une amie à ma mère, qui venait justement faire un stage en ville pour l’été. Je ne sais pas à quoi elle ressemble, mais tant qu’elle s’occupe correctement de mes plantes et ne laisse pas l’humidité ronger les joints de la salle de bains, ça m’ira très bien. En l’attendant, je pense à ce que j’aurai pu oublier. Passeport, carte de crédit, photocopie du passeport. Après tout, c’est le plus important. Le reste, je pourrai me le procurer sur place. Bon, qu’est-ce qu’elle fout? Si je ne pars pas dans la prochaine demi-heure, j’ai peur de manquer l’enregistrement. J’avais bien dit à ma mère que ce serait plus simple qu’elle passe prendre les clés avant. Mais non, évidemment, il valait mieux arranger son amie. Et la fille de son amie, qui préférait venir chercher les clés le jeudi soir. Je commence vraiment à stresser quand me vient une idée. Je n’ai qu’à laisser la clé sous le paillasson, et texter ma mère. Si la fille n’a pas le réflexe de regarder sous le tapis, elle appellera sa mère, qui appellera la mienne, et tout le monde sera content. J’appelle un taxi, ferme la porte, descends les escaliers avec mon gros sac sur le dos, et m’apprête à aller au dépanneur d’en face chercher une bouteille de soda quand une fille m’interpelle :

« Bellechasse c’est par ici ou par là? » Sa voix est comme éraflée, et ses lèvres minces et rouge vif.

« Euh… c’est par là », je dis désemparée. Elle me regarde droit dans les yeux, et j’oublie tout à coup l’avion, le sac sur mon dos, les trois mois de voyage. Au lieu de ça, j’ai envie de lui dire que je peux marcher avec elle, lui montrer, que c’est mon quartier, que je connais bien. On reste un instant au coin de la rue, à se regarder, quand un klaxon se fait entendre. Mon taxi est là. Je mets mon sac à l’arrière et m’installe sur le siège avant. Quand il démarre, je laisse mon regard traîner à la fenêtre, et aperçois l’inconnue entrer dans mon immeuble. Se pourrait-il que ce soit…? Je verrai bien dans trois mois.

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