Le soleil est presque couché, ce sera bientôt l’heure. Amanda presse le pas et ajuste ses écouteurs sur ses oreilles. Elle adore arriver au moment où la magie commence. Alors qu’elle pose le pied dans le parc, les lanternes s’allument. Leur lueur est faible mais ne va pas tarder à s’accentuer lorsque la noirceur de la nuit s’installera pour de bon. Elle fait un tour de parc, lentement, en observant les gens qui le traversent à la hâte, ceux qui s’y attardent, les enfants qui ne s’éloignent pas trop de leurs parents, les amoureux qui se racontent leur journée en se tenant la main.
Une silhouette attire son attention. Une longue chevelure foncée ondule jusqu’au bas d’un dos courbé vers l’avant. Elle se rapproche légèrement pour voir ce que fait la jeune femme. Elle tient un cahier à dessin où des personnages apparaissent au fil des coups de crayons. Fascinée, Amanda se rapproche légèrement sans faire de bruit. Sur la feuille, on distingue les bancs et les arbres qui composent le parc et entre eux, des passants, dont les corps ont presque l’air en mouvement. La jeune artiste s’arrête un instant et Amanda retient son souffle. Puis, elle se déplace légèrement pour voir son visage. Elle constate, avec surprise, que la femme a les yeux fermés. Amanda la regarde. Ses sourcils se froncent, ses paupières bougent et son corps, penché par devant, semble être complètement à l’écoute de chaque son et chaque mouvement autour d’elle, qu’elle transpose sur sa feuille, comme si son crayon était un transmetteur. L’artiste arrête à nouveau et détache la feuille de son cahier. Sans ouvrir les yeux elle dit:
—Tu le veux?
Amanda, surprise, bafouille:
—M-m-moi ?
—Oui toi. Comment tu t’appelles ?
—Amanda.
La femme a la longue chevelure note quelque chose sur son dessin, le pli en quatre, le tend à Amanda et quitte le parc, d’un petit pas rapide. Amanda déplie la feuille. Dans le bas, à droite c’est écrit :
563 rue Bernardin. Samedi 20h. Poserais-tu pour moi ? Billie.
Elle sourit et met la feuille dans la poche arrière de son jean. Elle n’a rien de prévu samedi.